L'androgyne romantique: Du mythe au mythe littéraire

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L'androgyne romantique: Du mythe au mythe littéraire Details

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Epris d'idéal et d'absolu, rêvant et cherchant la dilatation à l'extrême du coeur dans les champs les plus intimes de l'expérience individuelle, les romantiques français, dans le prolongement des grands courants illuministes et mystiques de leur époque, semblaient naturellement portés à déployer dans leur imaginaire le mythe de l'androgyne. Mythe dont Frédéric Monneyron, dans les deux premières parties de son étude, s'attache à recenser les résurgences, de l'Antiquité au XIXème siècle, du célèbre Banquet de Platon aux pensées de Franz Von Baader, en passant, pour ne citer que les principales, par les théosophies de la Gnose, de la Kabbale, de Jean Scot Erigène et de Jacob Böhme, toutes remarquablement résumées par l'auteur. Pourtant, seuls deux écrivains de la génération romantique vont s'emparer de l'archétype de l'androgyne. Balzac, dans "Séraphîta", en propose une "version spiritualiste", et Théophile Gautier, dans "Mademoiselle de Maupin", une "version idéaliste". C'est l'étude littéraire de ces deux oeuvres, curieusement publiées la même année en 1835, que propose Frédéric Monneyron, dans des analyses limpides, profondes et très agréables à lire. La partie consacrée au roman de Gautier prolonge la magistrale préface de Michel Crouzet à lire dans l'édition Folio Classiques: Gautier rêve l'androgyne comme l'idéal du Beau en soi, et à travers la figure de Madeleine, l'être double par son travestissement et sa bisexualité, rêve l'amour entre l'homme et la femme comme une reconstitution de l'androgyne primordial: "c'est par l'amour, par la fusion, tant au sens corporel qu'au sens spirituel, de leurs deux êtres, par "l'enlacement achevé en l'unité suprême de deux corps" que l'androgyne (...) va pouvoir être reconstitué". Résonances platoniciennes qui marquent semblablement le dénouement de Séraphîta. Il est fascinant de voir comment se rejoignent, dans leur enseignement sur l'amour, malgré leurs divergences d'approche et de culture, l'esthète Gautier et le mystique Balzac... Les pages que Frédéric Monneyron consacre à "Séraphîta" sont, de fait, des plus passionnantes: si la question de l'influence directe des illuministes et de Jacob Böhme sur Balzac reste ouverte, l'auteur signale les étonnantes similitudes avec l'androgyne des gnostiques et souligne l'innovation du génie balzacien qui greffe l'archétype androgynique sur la théorie de l'Esprit angélique de Swedenborg. L'imaginaire balzacien est d'une telle puissance qu'"en s'appuyant sur l'armature néo-platonicienne des correspondances et en suivant l'imagerie swedenborgienne, Balzac remonte à des croyances archaïques et se trouve dans la droite ligne de la tradition ésotérique de l'androgyne". D'une civilisation à l'autre, d'une doctrine à l'autre, d'un imaginaire à l'autre, on se surprend à découvrir de subtiles analogies, de belles correspondances autour de la figure de l'androgyne. Comme un rêve universel qui scintille au plus profond de l'inconscient collectif... et que le génie artistique retrouve dans la force de la création.

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